19 août 2017

Observer un transit exoplanétaire - Comment faire ? (partie 1)

Hier soir, je suis retourné faire coucou à l'exoplanète HD189733b.
Comme cette observation commence à être routinière, je vais tenter ici d'expliquer les différentes étapes qui mènent à celà :

Courbe de lumière de HD189733 montrant le transit de son exoplanète

Que voit-on ci-dessus ?

Il faut se concentrer sur la courbe du bas. Chaque point est une mesure de luminosité d'une étoile nommée HD189733. En ordonnée (axe vertical) on trouve la valeur de l'éclat de l'étoile (sa magnitude) et en abscisse (axe horizontal), c'est le temps qui passe. Entre les valeurs 0.38 et 0.48, il se passe 0.1 jour, soit 2 heures et 24 minutes. La courbe complète s'étale sur 3 heures et 28 minutes.
La courbe pleine qui passe entre les points est le meilleur modèle de transit correspondant à toutes mes mesures. Si j'avais eu un super capteur, et un super télescope dans l'espace, tous mes points seraient regroupés sur cette ligne. Au lieu de cela, j'ai utilisé un petit télescope, un capteur modeste et j'étais sous plusieurs kilomètres d'atmosphère turbulente. Donc mes points de mesure se baladent autour de cette ligne théorique.

Le matériel

Voici ci-contre une image prise à la tombée de la nuit du matériel que j'ai utilisé :
- Un télescope de type Newton avec un miroir de 150mm de diamètre (un exemple ici). Le télescope est posé sur une monture motorisée pour suivre les étoiles dans le ciel et compenser la rotation terrestre. Il faut parfois rajouter des moteurs sur sa monture (un exemple ici) car toutes ne sont pas fournies motorisées.
- Un appareil photo numérique (APN) Canon EOS 1200D (un exemple ici)
- Un câble pour relier l'APN au PC (un exemple ici) suffisamment long car la distance APN-PC va varier au cours de la nuit. Le télescope va tourner pour suivre les étoiles
- Un PC portable (ça fonctionne aussi avec un fixe, mais il faudrait alors une sacrée rallonge pour relier le fixe à l'intérieur et le télescope à l'extérieur)
- Une table
- Une chaise


N'importe quel télescope motorisé fera l'affaire. Pour attraper cette exoplanète, même un simple téléobjectif peut faire l'affaire à la place du télescope comme l'a montré Christian Buil dès 2005.
Bien évidemment, plus le pouvoir collecteur du télescope sera grand et plus on pourra viser d'exoplanètes passant devant des étoiles de moins en moins lumineuses.

Il y a quelques années, seuls les APN de marque Canon étaient réputés pour faire de vraies images RAW. On les retrouvait donc majoritaires chez les astronomes amateurs. Les RAW Nikon, bien qu'en en ayant le nom, n'en étaient pas de vrais. Je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais je suis resté sur du Canon.
Bien évidemment, une caméra CCD sera encore mieux adaptée à ce genre de mesure.

Le choix du PC a assez peu d'importance. Sa puissance déterminera juste la rapidité avec laquelle le traitement d'images sera réalisé. Mais un PC lent fera le job aussi bien qu'un PC rapide. Il mettra juste plus de temps. Sur le PC, on aura au préalable pris le soin d'installer le logiciel d'acquisition de l'APN qu'on utilise, ou bien un logiciel d'acquisition compatible avec sa caméra CCD. Et dans le cas qui m'intéresse ici, j'ai installé le logiciel IRIS de Christian Buil pour les mesures photométriques.
Il existe de nombreux autres logiciels pour faire de la photométrie de précision (audela, Prism, AstroImageJ, Munipack, ...)

Trouver une cible

Le site Exoplanet Transit Database (ETD) recense toutes les exoplanètes transitant devant leur étoile hôte et bénéficiant de bons éphémérides. 315 exoplanètes accessibles aux amateurs s'offrent alors à vous avec les dates et heures auxquelles elles sont supposées passer devant leur étoile. Alors bien sûr, il y en a pour tous les niveaux.
Pour débuter, on a le choix entre 2-3 exoplanètes, dont HD189733b.
Quand on est un peu plus à l'aise et qu'on dispose d'un télescope de 200mm minimum, on peut jouer avec une bonne dizaine d'exoplanètes, et plus le télescope sera gros, la caméra performante et votre ciel stable, et plus vous aurez de choix.
Il est même possible sur ETD de trouver des exoplanètes découvertes par le satellite Kepler et pas encore complètement validées.
L'ETD centralise donc des milliers d'observations d'astronomes amateurs de toute la planète et les compile sur son site.

Pour trouver les exoplanètes visibles de chez vous un soir donné, il faut cliquer ICI. Et voici ce que j'ai obtenu pour la journée d'hier :


Colonne 1 : le nom de l'exoplanète. Ici HD189733b
Colonne 2 : la constellation dans laquelle elle se trouve
Colonne 3 : l'heure de début du transit. Attention, c'est l'heure en Temps Universel. Rajouter 1h en hiver chez nous et 2h en été pour avoir l'heure locale. Donc ici c'était 21h58 TU, soit 23h58 à ma montre. 63°, S signifie qu'à ce moment-là, l'étoile est à 63° au dessus de l'horizon Sud.
Colonne 4 : l'heure du milieu du transit. Pas spécialement intéressant.
Colonne 5 : l'heure de fin du transit. Attention, c'est l'heure en Temps Universel. Rajouter 1h en hiver chez nous et 2h en été pour avoir l'heure locale. Donc ici c'était 23h48 TU, soit 01h48 le matin du 19 Août à ma montre. 55°, SW signifie qu'à ce moment-là, l'étoile est à 55° au dessus de l'horizon Sud-Ouest.
Colonne 6 : la durée estimée du transit en minutes
Colonne 7 : la magnitude de l'étoile. Plus le chiffre est bas et plus l'étoile est brillante. En dessous de 6, l'étoile est visible à l'oeil nu. Entre 6 et 9 il faut une bonne paire de jumelle, de 9 à 12 un petit télescope et plus on monte au delà de 12 et plus il faut un gros télescope. Ici à magnitude 7.67, ma cible est considérée comme très brillante, bien qu'elle ne soit pas visible à l'oeil nu.
Colonne 8 : la profondeur du transit. Ou en plus simple, de combien l'éclat de l'étoile va diminuer quand la planète passera devant. Ici 0.282 magnitude (28 centièmes), c'est beaucoup. C'est pour cela que le transit est simple à observer. Et pourtant, sur vos images vous ne remarquerez rien du tout tellement c'est peu de chose.
Colonne 9 : les coordonnées de l'étoile dans le ciel (RA = ascension droite, DE = déclinaison).


Pourquoi cette cible était intéressante ?

Déjà, une étoile brillante, c'est plus pratique pour mon petit matériel.
Ensuite, une profondeur de transit importante est plus facile à détecter. Je rappelle qu'on parle ici de quelques pourcents de luminosité en moins.
L'étoile reste haute dans le ciel entre le début et la fin du transit (de 63 à 55°). Cela présente un tas d'avantages :
- la masse d'air traversée par la lumière de l'étoile reste faible. A temps de pose égal, on attrape bien plus de photons quand l'étoile est à 65° que lorsqu'elle est à 30° au dessus de l'horizon. Et moins de masse d'air = moins de turbulences = moins de bruit dans les résultats.
- du fait d'une masse d'air quasi constante, à temps de pose égal, la qualité des mesures restera constante. Quand on démarre une série de pose à 60° de hauteur et qu'on la finit à 30° de hauteur, l'étoile cible est beaucoup moins lumineuse en fin de parcours du fait de la masse d'air grandissante.

Du début à la fin du transit, c'est la nuit noire. Donc pas de problème lié au crépuscule ou à l'aube qui rajoutent des lumières parasites sur les images.
Le début et la fin de transit sont assez éloignés du crépuscule et de l'aube pour permettre des prises de vue 1/2h avant le début du transit et 1/2 heure après la fin du transit. C'est important pour le dessin de la courbe, sinon on ne connaît pas le niveau de luminosité "normal" de l'étoile.
Je n'ai pas besoin de me lever en pleine nuit pour démarrer les observations. Je me couche juste tard. Çà, je sais faire :-)
Le ciel au Sud-Sud Ouest est parfaitement visible depuis ma terrasse.

Pour toutes ces raisons, le choix d'observer HD189733b hier soir était le bon.


La suite dans un prochain billet. On va s'attaquer aux prises de vues.

16 août 2017

Nova²

Alors que la nova AT2017foa s'estompe peu à peu, j'ai mis le doigt ce 15 Août sur ce qui sera probablement la nova la plus brillante de l'année dans M31.

AT2017gay (c'est son p'tit nom) a été postée à la va-vite vers midi.
Quand je l'ai vue clignoter sur mon interface, j'ai d'abord cru à un traditionnel artefact. Souvent des points blancs très lumineux apparaissent sur mes images. Au premier coup d'oeil, je vois que la distribution radiale de la luminosité n'a rien d'une gaussienne et je passe à la suite.
Mais ici ... damned, avec les bords légèrement moins brillants que le centre, ça ressemblait à une étoile. Mais très brillante, presque trop brillante.

Sur cette vue en plan large, elle n'a l'air de rien, et pourtant elle est là à magnitude 15.8.
Compte tenu de la distance de M31, et du calcul du module de distance, c'est quasiment la magnitude visuelle maximale que peut atteindre une nova qui explose là-bas.
AT2017gay (c) Emmanuel Conseil & Slooh.com
La nova forme, avec une étoile à sa droite et une étoile au dessus d'elle un triangle quasiment rectangle. C'est une configuration assez facile à repérer.
Je suis ensuite aller voir dans des archives s'il y avait une étoile connue à l'emplacement de la nova.
Dans le SDSS (image de droite ci-dessous), un faible astre bleuté est visible.
Sur le survey GALEX, qui capture dans le domaine de l'ultraviolet depuis l'espace, on voit une grosse étoile à l'emplacement de la nova. Nous sommes donc en présence d'un astre très chaud qui émettait bien plus dans l'ultraviolet que dans le visible.
Pour qu'une nova se produise, on doit être en présence de 2 astres relativement serrés, dont l'un qui vole de la matière à l'autre. On trouve souvent un petit astre qui aspire la matière d'un gros compagnon. Et c'est peut-être bien le gros compagnon qu'on voit ici...

Archive SDSS
Archive GALEX

Et en allant éplucher d'autres archives au CDS, j'ai trouvé une ancienne nova (M31N 2010-12a) qui a explosé pile poil au même endroit il y a presque 7 ans.
La nova que je viens de repérer est donc très certainement une nova récurrente.

Là où cela devient intéressant, c'est quand l'Astronomer Telegram n°10647 montre que le spectre de cette étoile la place sans doute bien plus proche de nous qu'elle n'en a l'air. Un appel à observation est donc fait, et les semaines à venir seront très intéressantes.

5 août 2017

Découverte d'une nouvelle nova dans M31

Champ de l'image de droite
Nova AT2017foa (c) Emmanuel Conseil with Slooh.com
Le 19 Juillet dernier au saut du lit, j'ai vérifié mes images acquises pendant la nuit avec le télescope T2 de Slooh aux îles Canaries. J'ai rapidement mis le doigt sur un objet qui n'était pas là les jours précédents : une probable nova. C'est le point qui clignote sur l'image en haut à droite.
J'ai donc posté la possible découverte sur le Transient Name Server de l'Union Astronomique Internationale (UAI) et un petit nom lui a été attribué : AT2017foa (https://wis-tns.weizmann.ac.il/object/2017foa)
Dans l'ancienne nomenclature de l'UAI, elle est aussi connue sous le nom M31N 2017-07a (Première nova dans M31 pour le mois de Juillet de l'année 2017).

Dès le lendemain, mes images montraient que l'objet était toujours là, mais à peine plus brillant que la veille. C'était quand même bon signe.
La confirmation spectrale est venue le 04 Août par le Liverpool telescope et son spectrographe SPRAT, via l'Astronomer Telegram n°10619. Il s'agit d'une nova classique, de classe FeII.

Sur les premiers jours, j'ai commencé une courbe de lumière qui méritera que j'en remette une couche quand j'aurai un peu de temps. L'objet a culminé à magnitude 17.3 environ et est toujours visible 17 jours après son explosion.

Courbe de lumière de AT2017foa