17 décembre 2016

Supernovae : Quand l'espace compense le temps

Il y a quelques semaines de cela, j'ai vu passer le tweet ci-dessous et il m'a donné cette idée de post car il me semble que la question posée par Gaia Alerts met en avant quelque chose de contre intuitif : 2 supernovae qu'on voit exploser en même temps dans la même galaxie font-elles un magnifique spectacle pour les éventuelles formes de vie présentes dans ce secteur ?



Traduction : "On voit double ! Gaia a vu 2 supernovae exploser dans la même galaxie. A quoi peut bien ressembler le ciel depuis une planète située entre les deux ?"

En fait, <spoiler>pour la majorité des systèmes planétaires de cette galaxie, les 2 explosions ne sont pas vues simultanément</spoiler>.

Image de Rolando Rigustri montrant la supernova SN2016iae
Source : https://www.flickr.com/photos/snimages/30911219070/


Mais revenons un instant sur cette découverte récente de 2 supernovae dans la même galaxie.
Les 2 supernovae se nomment SN2016iae et SN2016ija, et se trouvent dans la galaxie NGC 1532.
C'est une belle spirale vue de trois quarts.
La première a été découverte le 07 Novembre 2016 par le programme ATLAS (qui cherche des astéroïdes à la base), et la seconde a été découverte le 22 Novembre par Leonardo Tartaglia, un chercheur italien dans une université californienne.
Comme on peut le voir sur son image, et particulièrement celle de droite qui est une soustraction faite entre les 2 autres, il y a deux points noirs distincts, signe de la présence de 2 supernovae sur son image (la nouvelle et celle du début du mois).
De par les observations qui en ont été faites, on sait que la seconde supernova n'était pas visible les 18 et 19 Novembre, et à peine visible le 20 Novembre.
Quant à la première, on ne peut situer la date exacte de son apparition qu'entre le 30 Octobre et le 07 Novembre grâce aux mesures postées sur le site de l'Union Astronomique Internationale. Mais on peut calculer sa date d'apparition probable d'après les observations spectroscopiques qui en ont été faites et il s'agirait du 03 Novembre.

Pour chacune de ces deux supernovae, on a pu calculer leur distance à partir de leurs spectres, lesquels indiquent un redshift (décalage vers le rouge) de 0.004 pour la première et 0.0036 pour la seconde. Le redshift de la galaxie hôte (NGC 1532) vaut 0,003468 et correspond à une distance de 47 760 000 d'années-lumières.
Il faudrait davantage de chiffres significatifs derrière la virgule du redshift pour atteindre une précision de l'ordre d'une année-lumière (ce que l'on ne cherche jamais à faire en pratique).

Les deux supernovae appartiennent bien à NGC 1532.


Voyage à la vitesse de la lumière


Comme vous le savez sans doute, la lumière avance à vitesse constante dans l'espace (~300 000 km par seconde). La distance d'un objet est donc directement proportionnelle au temps qu'a mis sa lumière pour nous parvenir.
Et pourvu qu'ils ne rencontrent rien de super massif sur leur routes, 2 photons partis au même moment dans une galaxie lointaine arrivent au même moment chez nous. (un contre-exemple ici)
Entre NGC 1532 et nous, rien de super massif, donc ça va.


→ Supposons que les deux supernovae explosent exactement en même temps.

Si les deux supernovae sont pile poil à la même distance de la Terre (au jour-lumière près, donc une précision de 1 sur 17.4 milliards), alors nous les verrons apparaître en même temps dans le ciel, augmenter en éclat, puis faiblir jusqu'à disparaître, et tout ceci à peu près de concert.

Si l'une des deux est plus éloignée de nous d'une seule année-lumière (1 sur près de 48 millions), alors sa lumière mettra un an de plus pour nous atteindre. Depuis la Terre, nous verrions d'abord la première exploser, augmenter en luminosité, puis faiblir jusqu'à disparaître. Et pile un an après l'explosion de la première, nous verrions la seconde exploser, augmenter en luminosité, puis faiblir jusqu'à disparaître.
Dans le ciel, les deux événements apparaissent bien distincts.

Poussons le même exemple un peu plus loin. La galaxie NGC 1532 a une certaine épaisseur. Je ne pense pas que cette valeur ait été estimée quelque part, mais si elle est comme pour la Voie Lactée, son ordre de grandeur est de quelques milliers d'années-lumières. Disons 3000 années-lumières.
Mettons l'une de ces supernovae à l'avant de la galaxie (vue de la Terre), et la seconde à l'arrière de la galaxie.
On comprend alors que si les deux explosent en même temps, alors sur Terre les 2 supernovae apparaîtront espacées de 3000 années.


A l'inverse, voir 2 supernovae apparaître en même temps dans une même galaxie ne signifie pas forcément qu'elles ont explosé en même temps. Peut-être, et en général ce sera le cas, que la distance séparant les 2 objets compense exactement l'écart temporel de leurs explosions.

Si elles explosent en même temps, pour les voir apparaître en même temps dans le ciel (le nôtre ou celui d'une autre planète dans une autre galaxie), il faut que l'observateur se situe sur le plan médiateur du segment tiré entre les 2 supernovae (en vert ci-dessous). Ce qui est loin d'être le cas de tout le monde. Seuls les observateurs (point M) situés sur le plan P sont à égale distance de A et de B.


Plan méditeur d'un segment (A et B étant nos 2 supernovae)
Source : http://tanopah.jo.free.fr/seconde/ges3alpha.php

Si elles n'explosent pas en même temps, le plan sur lequel il faudra se situer pour les voir exploser en même temps sera décalé vers l'étoile explosant en second, mais il s'agira toujours d'une petite portion d'univers.


Bref, pour répondre à la question initiale "How would the sky look from a planet in between?" ... la réponse est que pour la plupart des "habitants" de cette galaxie (s'il y en a ), ces 2 explosions stellaires n'auront pas été vues en même temps.
Et pour ceux qui se trouvent entre les deux supernovae, la problématique est la même.

3 décembre 2016

Thomas Pesquet dans la Lune

ISS transitant devant la Lune
(c) Emmanuel Conseil

Depuis son décollage le 17 Novembre de la base de Baïkonour, Thomas Pesquet et la Station spatiale Internationale tournent au dessus de nos têtes, à raison d'un tour de Terre toutes les 90 minutes environ, le tout à 27 000 km/h.
Depuis une dizaine de jours, et pour une bonne partie du mois de Décembre, la Station Spatiale Internationale (ISS) est visible depuis la France en début de soirée. Si on excepte la Lune et Vénus, c'est l'objet le plus brillant du ciel pendant son passage. Et on la repère facilement parce qu'elle bouge vite.

Pour la prendre en photo, ce n'est pas très compliqué. Un appareil photo numérique et un trépied suffisent. Il faut cependant que l'appareil autorise les poses longues, idéalement de plusieurs minutes car l'ISS peut mettre une dizaine de minutes à traverser tout le ciel.

Il suffit alors de commencer la pose juste avant l'apparition de l'ISS et de la terminer quand l'ISS n'est plus visible ou sortie du champ de l'appareil. Comme le champ visé ne bouge pas, au bout de quelques secondes, ce sont les étoiles qui se mettent à filer. Et l'ISS trace sa voie sur l'image, comme ici un passage que j'ai capturé le 04/10/2016 sur une pose de 4 minutes.

Des sites comme Heavens Above ou Calsky permettent de connaître les heures de passage de l'ISS pour un lieu donné. Ensuite, il n'y a plus qu'à repérer la zone d'apparition de l'ISS dans le ciel (avec une carte du ciel par exemple) et attendre l'heure fatidique.

ISS le 04/10/2016 (c) Emmanuel Conseil

Ce 03 Décembre 2016, en début de soirée, Calsky m'annonçait un passage de l'ISS devant la Lune pour 19h08. Ca arrive de temps en temps, et c'est une observation plutôt sympathique à faire.
Notre spationaute français Thomas Pesquet étant en ce moment dans l'ISS, c'était l'occasion de le propulser (virtuellement) dans la Lune, lieu que tout astronaute/spationaute/cosmonaute/taïkonaute rêve de fouler.
Et puisque Thomas rêve aux futures missions vers Mars, les choses étant décidément bien faîtes, Mars rodait également dans les parages, offrant avec la Lune, Vénus et l'ISS un splendide quatuor à observer.

Trajectoire de l'ISS le 03/12/2016 vers 19h10
Source : www.calsky.com
Trajectoire de l'ISS devant la Lune à 19h08
Source : www.calsky.com

Après quelques minutes heures de préparation (inspection du matériel, revue des horaires, choix des cadrages, installation de poste, enfilage de doudoune) vient le moment de l'attente... toujours trop longue. Heureusement que Mars, Vénus et la Lune assuraient le spectacle ce soir.
Et puis l'ISS arriva, à l'heure prévue...

Sur cette pose longue, l'ISS semble traverser la Lune, alors que les étoiles filent à cause de la rotation de la Terre. Sur une quarantaine de secondes, c'est quand même bien visible.

Et pendant qu'un APN shootait l'ISS en grand champ, un autre accroché sur le télescope faisait une vidéo du transit.



Alors l'ISS ne passe pas devant la Lune pour tout le monde en même temps. Il faut être sur une bande bien définie, comme pour les éclipses totales de Soleil, mais on peut réaliser cette observation plusieurs fois par an pas très loin de chez soi.

Si vous voulez voir l'inverse ; la Terre en direct vue depuis l'ISS, il y a un flux video disponible sur Internet dédié pour ça : ISS HD Earth Viewing Experiment. Si l'ISS est dans l'ombre de la Terre, on ne voit rien, mais dès qu'elle repasse du côté éclairé de la Terre, le voyage devient magique.

Direct de la Terre vue de l'ISS 
Source : ISS HD Earth Viewing Experiment