28 décembre 2015

Découverte d'une nova dans M33

Après 6 mois de suivi intensif de M33, et après avoir loupé la nova de début Décembre pour cause de mauvais temps aux Canaries, je tiens à nouveau une découverte de nova dans M33.
La précédente datait de Février 2014 et était intervenue juste avant que M33 ne disparaisse dans les lueurs crépusculaires. Ici ça va, elle pourra être suivie tout au long de son outburst.

La voici dans son jus. La mise au point n'est pas géniale, mais finalement ce n'est pas bien grave :


Après avoir méticuleusement vérifié mes images, j'ai posté la découverte ce midi sur le CBAT : http://www.cbat.eps.harvard.edu/unconf/followups/J01335420+3026108.html

Elle fut très rapidement confirmée par une équipe japonaise qui avait tout d'abord posté sa propre découverte de la nova, avant de s'apercevoir que je l'avais fait juste avant. Parfois, il est utile d'aller vite :-)
Depuis, pas mal d'autres amateurs en ont fait une image. L'objet est donc bien réel et il ne lui manque plus qu'un spectre pour savoir de quel type de nova il s'agit.

Je rajoute une petite animation entre une image de référence et mon image du 27/12. On voit bien la différence de qualité entre les deux. La nova est le point qui clignote pas loin du centre de l'image.


19 décembre 2015

Comment déclarer une découverte de supernova ?


ATTENTION : Depuis le 1er Janvier 2016, le tutoriel ci-dessous n'est plus valable pour les supernovae, qui doivent être déclarées sur le Transient Name Server (TNS) de l'UAI. Pour les novae (extra)galactiques, il reste valable.


Pour pouvoir poster une découverte de supernova sur le site de l'Union Astronomique Internationale, il faut tout d'abord être connu de cette instance, et plus particulièrement d'un de ses bureaux.
Le Bureau Central des Télégrammes Astronomiques (CBAT en anglais) est responsable du nommage des supernovae, comètes et novae galactiques. Il maintient une page (TOCP) sur laquelle sont reportés tous les objets transitoires qu'on a bien voulu leur soumettre. C'est sur cette page qu'il faut inscrire toute nouvelle candidate supernova.

1ère étape : S'inscrire au CBAT

Cela se fait via un email à cbatiau@eps.harvard.edu
On explique, en anglais, qu'on veut s'inscrire pour annoncer des découvertes ou poster des suivis, et puis on attend ...
Pas question de s'enregistrer le jour même où on a une candidate à déclarer. Pour ma part, il s'est passé 4 mois entre la demande d'inscription et l'inscription elle-même !



2ème étape : Youpi j'ai une candidate !


Une nouvelle étoile sur un cliché ? Serait-ce une découverte ?
Il faut savoir qu'en règle générale, la réponse à la question précédente est NON. Il y a un certain nombre de vérifications à faire pour ne pas poster n'importe quoi sur la TOCP. L'erreur est humaine, mais la répétition de l'erreur sera mal vue.

L'objet est-il présent sur toutes mes images ?
L'examen des brutes est la première chose à faire. Si l'objet n'est présent que sur une image, c'est perdu. Certaines images pouvant être de moins bonne qualité au sein d'une série, l'objet n'est pas forcément visible sur toutes les images. Mais il doit en tous cas être présent sur la majorité, toujours au même endroit. 
Il faudra donc aligner les brutes entre elles avant l'examen.
On pourra alors éliminer aussi les pixels chauds et les rayons cosmiques.

Est-ce une étoile connue ?
Certaines étoiles variables ou cataclysmiques peuvent être en dehors de notre magnitude limite en règle générale, mais devenir accessibles à la faveur d'un sursaut, ou tout simplement d'un meilleur seeing. On ira donc d'abord vérifier les images d'anciens surveys pour les comparer à nos images.
On pourra choisir le DSS, ou Aladin.
Les images de Hubble pourront dans certains cas montrer à l'emplacement de votre candidate la présence d'une supergéante pourvu qu'elle se trouve dans une galaxie proche.
S'il n'y avait rien sur le DSS et le SDSS à l'emplacement de notre candidate, on passe à l'étape suivante.

Est-ce un astéroïde ?
Quand on dispose de 2 heures de poses, on voit bien si l'objet détecté bouge ou pas. Le premier examen oculaire devra vérifier cela.
Quand on ne dispose que d'un petit nombre d'images, l'objet n'a pas forcément eu le temps de bouger significativement entre les poses. On peut alors vérifier via le Minor Planet Checker si on est en présence d'un astéroïde connu.
Si c'est un astéroïde toujours inconnu (cas extrêmement rare), seule la prise d'images quelques heures plus tard pourra révéler son mouvement.

Est-ce une étoile variable ?
Le Variable Star Index (VSX) répertorie toutes les étoiles variables connues. Il faut y vérifier qu'on est pas en présence d'une étoile variable.

Est-ce une supernova connue ?
Le site de David Bishop répertorie toutes les supernovae actives du moment. Il faut aller y regarder si notre candidate n'a pas déjà été déclarée.
Comme David agrège les découvertes émises à plusieurs endroits, et qu'il dort parfois une heure ou deux, il faut aussi aller regarder sur AstronomersTelegram et la TOCP si notre candidate n'a pas été déclarée il y a très peu de temps.


Quand on a passé toutes ces étapes, on est sur la bonne voie. Reste à déterminer dans quelle mesure les données dont on dispose sont assez solides pour déclarer une découverte.


  • Notre objet est à la limite de détection du télescope ==> Il faut d'autres images, si possible avec un télescope plus puissant.
  • On ne dispose que d'une dizaine d'images sur une seule nuit ==> Il faut d'autres images, si possible avec un télescope plus puissant.
  • Le module de distance présumé de l'astre est incohérent (Ex: une SN de magnitude 14 dans une galaxie à 300 millions d'années-lumière, en prenant Mabsolue=-19 pour la SN) ==> Peut-être une super-découverte, mais qui demande une super-confirmation avec d'autres images.
Dans tous les cas, des images à une autre date et éventuellement avec un autre télescope seront toujours les bienvenues, ne serait-ce que pour vérifier que l'objet ne s'est pas déplacé, et que sa magnitude a augmenté.
Connaître des astronomes amateurs de confiance un peu partout sur la planète aide grandement
Ex : Découverte le 13/11 sur de nombreuses images de Gérard Arlic datant du 11/11, je n'ai déclaré SN 2015ar que le 13/11 au soir après une ultime validation de François Kugel.

3ème étape : La déclaration au CBAT


Muni de ses identifiants personnels du CBAT, il faut se rendre ICI.
Il faut également se munir de :

  • la position de l'objet, avec ce degré de précision : 01h 07m 20.38s +32° 23' 59.8"
  • la magnitude de l'objet à 0.1 magnitude près
  • le filtre utilisé pour l'image qui a servi à calculer la magnitude
  • la date TU au dix-millième de jour :  2015 11 11.7576 = 11 Nov 2015 à 18h11
  • le nom de la galaxie hôte (se référer à Simbad si besoin, le nom n'est pas toujours évident à trouver)
  • la position de l'objet par rapport au centre de la galaxie, en secondes d'arcs.

Pour la position de l'objet et sa magnitude, on pourra utiliser Iris, Astrometrica, ... ou tout autre logiciel capable de donner ces informations.

On se retrouve donc avec un champ à remplir (à gauche du bouton "Submit" ci-dessous) dans lequel il faudra indiquer de manière tabulée l'ensemble des informations nécessaires à la découverte.
J'ai mis une copie d'écran du formulaire avec la valeur que doit prendre chaque caractère en fonction de sa position.


Dans le cas de la découverte de SN2015ar, voici la ligne que j'ai soumise (les espaces sont très importants) :

PSN 2015 11 11.7576*  01 07 20.38 +32 23 59.8  18.8 U   58W  46S  N383      3 2

PSN parce que je suspectais que ce soit une supernova.
2015 11 11.7576 : date de la première image de Gérard sur laquelle apparaît la candidate
01h07m20.38s +32°23'59.8" : position mesurée de la candidate (J2000)
18.8 U : magnitude 18.8 mesurée sans filtre (R comme référence)
58W 46S : la candidate se situe 58" à l'ouest et 46" au sud du centre de NGC 383
3 : nombre de supernovae que j'ai déjà déclarées et qui se sont révélées exactes
2 : nombre de jours séparant les images qui ont permis de déclarer la découverte (11/11 et 13/11)

Toute erreur de formatage engendrera une erreur de soumission.
Si la soumission du formulaire est acceptée, alors la candidate apparaîtra sur la page TOCP avec toutes les autres à confirmer. Elle pourra alors très rapidement être suivie par d'autres astronomes (amateurs ou professionnels).

A partir de ce moment, la découverte est faite, et d'autres éviteront de faire la même. Pour autant, on ne se l'est pas encore attribuée. Seule l'UAI a une petite idée du découvreur car elle sait qui l'a soumise. Mais ce n'est qu'une petite idée car on peut annoncer une découverte faite par quelqu'un d'autre quand ce dernier n'a pas de compte au CBAT.

Il faut donc, en parallèle, envoyer un email à cbattcp@eps.harvard.edu avec du texte expliquant la découverte. C'est dans cet email qu'on explique notamment qui est le découvreur, quel est le matériel utilisé, l'observatoire et tout ce qui peut être utile pour bien identifier l'objet. L'email doit impérativement avoir pour sujet "TOCP discovery observation".

ATTENTION : Pour passer à travers le filtre antispam du CBAT, les emails qui leur sont envoyés doivent être en plain ASCII text. Il faut également que l'email émetteur soit connu du CBAT.

La version longue (et complète) de cette démarche se trouve sur le site du CBAT, ICI en anglais.

Aparté sur le nom du découvreur

Je ne connais pas d'endroit où l'on explique comment attribuer à l'un ou l'autre la paternité d'une découverte. Voici ce que j'applique à titre personnel, via quelques exemples :

Je fais les images, et je trouve un objet sur mes images :

  •  E. Conseil reports the discovery of ...

XXX fait les images, et je trouve l'objet sur ses images :

  • E. Conseil and XXX report the discovery of ...

XXX fait les images, trouve l'objet et me demande de vérifier et soumettre la découverte :

  • E. Conseil reports the discovery by XXX of ...

Le programme TAROT fait les images et je trouve un objet sur ces images :

  • E. Conseil on behalf of the TAROT collaboration reports the discovery of ...

A partir du moment où j'ai utilisé des données d'une autre personne (les images de Gérard dans le cas de SN 2015ar), cette personne a participé activement à l'acte de découverte.
Mais si je ne faisais que valider et soumettre une découverte qu'il a faite, je n'ai pas de raison d'avoir un quelconque crédit dans la découverte. Je ne serais alors que le rapporteur.



Bon ... c'est bien joli tout ça, mais vous avez une candidate sérieuse, bien vérifiée sur plusieurs jours, vous voulez la soumettre et ne pouvez pas attendre 4 mois une réponse du CBAT ? 
Il faut alors contacter quelqu'un qui a un accès au formulaire présenté ci-dessus pour qu'il le fasse à votre place.

14 décembre 2015

SN 2015ar, la suite

Pour une fois qu'une de mes découvertes de SN peut être suivie pendant longtemps, ce serait dommage de s'en priver. Idéalement placée à la tombée de la nuit, SN 2015ar est encore là pour un moment.
Alors niveau météo din ch'Nord, c'est zéro ! 4 pauvres brutes entre les nuages depuis sa découverte le 13/11. Heureusement qu'il y a le remote aux Canaries... Et encore, la saison est vraiment mauvaise là-bas.

Avec Gérard, on arrive tout de même à sortir une belle courbe pour l'instant :
Et les collègues français de SN Aude mitraillent également SN 2015ar, ce qui en fait, si je fais bien mes comptes sur le site de David Bishop, la supernova la plus suivie par les amateurs en 2015.
Joël Nicolas maintient une courbe ici également.
J'ai fait la demande aujourd'hui à l'AAVSO pour pouvoir y soumettre nos mesures. Ils ont été très réactifs !

Du point de vue imagerie, ma collection d'images de SN 2015ar commence à bien s'étoffer. La voici par exemple prise avec le 17" de Slooh, aux Canaries :


Et sur webastro, une version couleur a fait son apparition. Réalisée par Christian Andrzejewski, elle montre la SN bien bleue !


A l'époque où je stressais (un peu) pour avoir de quoi valider rapidement la réalité de cette SN, je craignais qu'ASAS-SN ne mette le nez dessus et la valide avant nous. J'ai donc cherché un peu après coup pour voir à quel point nous avions eu chaud.
Et bien pas tant que ça finalement car ce n'est que le 16/11 qu'elle a été détectée par leurs capteurs.
Nous avions donc un peu moins de 3 jours à disposition. Mais ça, le 13/11, je ne le savais pas ;-)


Tout comme le HST voyait une supergéante à l'endroit où j'ai découvert SN 2013ai, le télescope spatial a peut-être bien imagé le progéniteur de SN 2015ar il y a 20 ans. Ou plutôt son compagnon car pour une supernova de type Ia, le progéniteur est une naine blanche qui attrape de la matière à sa voisine, bien souvent une (super)géante. Et une naine blanche ne se détecte pas à une telle distance.

Il n'est pas rare qu'on parvienne à retrouver des progéniteurs de SN sur des images du HST. Je n'ai pas d'exemple sous la main où ça aurait été possible à 200 millions d'années-lumières de nous. SN 2013ai était à 125 millions d'années-lumières. Vu le signal qu'on voit sur les images, on peut imaginer qu'à 200 millions d'années-lumières, c'est possible aussi.
Dans tous les cas, pile poil au bon endroit, il y a une étoile :-)

Possible présence du compagnon du progéniteur de SN 2015ar sur des images du HST

Il ne reste plus maintenant qu'à suivre patiemment le déclin et la disparition de cette supernova l'année prochaine. Et peut-être d'ici là, en trouver une autre :-)



23 novembre 2015

Supernova SN 2015ar


Pour rappel, le début de l'histoire est ICI.

Voici maintenant 10 jours que j'ai déclaré une nouvelle supernova dans NGC 383. Tout est allé très vite cette fois-ci.
Le spectre tout d'abord, tombé dès le 17 Novembre au matin, et obtenu par The Asiago Transient Classification Program. Il apparaît dans l'ATEL n°8291 et précise qu'il s'agit d'une supernova de type Ia, 5 jours avant son maximum photométrique. Chose peu surprenante car on trouve extrêmement peu de supernovae de type II dans les galaxies lenticulaires.

Ne restait alors plus qu'à envoyer quelques emails au CBAT afin qu'il puisse donner un nom officiel à cette supernova.
Hasard du calendrier, Dan Green était justement en train de rattraper le retard accumulé depuis 5 mois sur l'enregistrement des supernovae et dans son élan, il a embarqué celle-ci aussi.
Elle s'appellera donc pour la fin des temps : SN 2015ar.
Et le CBET correspondant est accessible en cliquant  ICI.


Entre temps, en examinant les images de Gérard datant du 10 Novembre, je vois poindre un petit quelque chose à l'emplacement de la supernova. En tirant bien sur les niveaux, et en prenant 1000 précautions pour ne pas voir des choses dans un océan de bruit, j'en arrive à la conclusion que la supernova avait déjà explosé la veille. On est donc en présence d'une supernova découverte très très peu de temps après son explosion. Quelques heures tout au plus.


Image du 10/11/2015 montrant la supernova déjà présente (Crédit images brutes : G. Arlic)

Avec cette image, et toutes celles prises depuis le début de cette aventure, j'ai déjà pu compiler pas mal de mesures et monter une première courbe de luminosité :



Le pic de luminosité est a priori pour aujourd'hui (23/11) ou demain, puis SN 2015ar va doucement s'effacer. On devrait pouvoir la suivre encore 2 ou 3 mois, l'histoire n'est pas complètement terminée.

De nombreux astronomes amateurs français ont tiré des images de cette supernova. On en retrouve une bonne liste sur http://rochesterastronomy.org/sn2015/sn2015ar.html

C'est la 4ème supernova dont j'ai la chance de détecter les premiers éclats. J'espère pouvoir la suivre en photométrie un peu mieux que les précédentes. Ces jours-ci la Lune est dans le secteur et les télescopes automatiques que j'utilise aux Canaries refusent de la pointer...

A suivre (encore)...

15 novembre 2015

Découverte de supernova

Depuis SN 2014bz, qui commence à dater un peu, je n'étais pas parvenu à mettre la main sur une nouvelle supernova. Et ce n'était pas faute de consulter des milliers d'images. Mais voilà, si la recherche de supernova était facile, ça se saurait !
Alors qu'ASASSN rafle à peu près tout ce qui est plus brillant que mag 17, il ne reste plus beaucoup de place à la découverte par des amateurs.

Cette fois-ci, pas de télescope TAROT. Je me baladais sur le forum Webastro, pour admirer les clichés de galaxies de quelques pros de l'astrophotographie nationale.
Quand je vois quelqu'un qui image un amas de galaxies et qui titille la magnitude 20, ça m'intéresse énormément. Et ce fut le cas de l'image de NGC 383 faite par l'utilisateur gerard33.

J'y jette un oeil attentif et mon regard s'arrête sur un petit point au sud-ouest de la principale galaxie de cet amas.

L'image de Gérard (à gauche), le DSS (au centre) et le SDSS (à droite)
Y'a comme qui dirait un truc en plus.
Je contacte alors Gérard afin de savoir si l'objet est présent sur ses 50 brutes. Il m'en envoie quelques unes et en une animation, je comprends que l'objet est bien réel et immobile. Les points chauds bougent, mais pas l'objet.

Animation de quelques brutes de Gérard
On est alors Vendredi après-midi. Les images datent de Mercredi soir. Ça mériterait quand même une confirmation depuis un autre télescope.
Au préalable, avant de contacter Gérard, j'ai tout de même vérifié si la bestiole n'avait pas été déjà déclarée. Et bien non. Donc une SN d'au moins 2 jours dans une galaxie du catalogue NGC mérite qu'on aille assez vite. Elle ne va pas rester cachée bien longtemps.
Je contacte alors 2 personnes dans le Sud-Est, seul endroit en France où la météo est encore potable Vendredi soir en espérant qu'ils pourront avoir une image en début de soirée.
C'est François Kugel qui dégaine le premier en confirmant la présence de l'objet sur ses brutes vers 20h.

J'avais déjà préparé le formulaire de déclaration de découverte sur le site de l'UAI donc je n'ai eu qu'à appuyer sur le bouton "Submit".
Quelques minutes plus tard, j'obtenais également une confirmation depuis les Canaries. L'objet est bien plus brillant que Mercredi soir.


La page de followup est maintenant en place : http://www.cbat.eps.harvard.edu/unconf/followups/J01072038+3223598.html
Il ne reste plus qu'à obtenir un spectre pour savoir à quel type d'objet on a affaire. Et si possible déterminer dans quelle galaxie se trouve vraiment cet objet.
Car si j'ai choisi NGC 383 plutôt que NGC 382 dont le coeur est plus proche, c'est uniquement sur une appréciation visuelle de la taille de leurs halos respectifs.
Quand on a deux galaxies qui se superposent dans le ciel, difficile parfois de dire à quelle galaxie appartient un objet.
D'après SIMBAD, NGC 382 est 6 millions d'années-lumière plus éloignée de nous que NGC 383.  La spectro, via la mesure du redshift, devrait pouvoir trancher sur le nom de la galaxie hôte.

Une image prise ce Dimanche, versus l'image de Vendredi soir donne l'animation suivante. Ca monte encore :



Affaire à suivre...

Et pour ceux qui auraient envie de se balader sur de belles images du ciel, le blog de Gérard en regorge. Enjoy !

20 octobre 2015

Et revoilà la NASA


Pff, encore un gros n'importe quoi publié sur 20minutes dans la rubrique astronomie qui me pousse à renouveler un coup de gueule habituel. Il est tiré de l'article suivant :
http://www.20minutes.fr/sciences/1713391-20151020-asteroide-va-froler-terre-31-octobre

Comme il disparaîtra un jour dans le fin fond des archives du journal, j'y joins une capture d'écran :


Je prends 20minutes en exemple, mais ça aurait pû être DirectMatin ou BFMTV,

Oh rien de grave en soit. Le néophyte qui lit l'article attrapera l'essentiel de l'info. Pour autant, la rigueur n'est pas ce qui caractérise l'article.

L'objet de mon désespoir, ce n'est pas un penchant pour le sensationnalisme qui est ici assez modéré. Ceci dit, dès qu'un astéroïde passe dans le secteur terrestre, le mot "Armageddon" n'est jamais bien loin ... Eh tristesse !

Non, ce qui me gêne encore ici, c'est l'omniprésence de la NASA dans le texte et l'impression encore donnée que la NASA fait la pluie et le beau temps sur Terre quand il s'agit d'astronomie. Alors que ce n'est pas le cas.

Petite relecture du texte :

"Selon les prévisions de la NASA..."
Ben non, ce ne sont pas les prévisions de la NASA. La NASA ne fait aucune prévision quant à la position des astéroïdes dans l'espace. C'est pas son job !
C'est le Minor Planet Center qui s'en charge. Et il ne dépend pas de la NASA, il dépend de l'Union Astronomique Internationale (UAI), qui elle ne dépend de personne.

"L'astéroïde TB145..."
Bon là je chipote, mais son nom c'est "2015 TB145". 20minutes n'est même pas fichu(e) de recopier le nom présent dans l'article pointé par le lien. A noter que dans ce lien, ils disent que cet astéroïde est celui qui est passé le plus près de nous depuis 2006 et qu'on en aura pas d'autre avant 2027.
Autre erreur de lecture des données d'origine car ce n'est valable que pour les astéroïdes "de cette taille". Il y a plusieurs fois par an des astéroïdes qui passent plus près que ça de nous. C'est une autre erreur vue à de nombreuses reprises sur la toile.

"...chatouillera la Terre..." 
Chatouiller à 500 000 kilomètres de distance, donc sans contact, c'est pas mal ;-)

"Le prochain passage d'un astéroïde à une si courte distance n'est prévu que pour 2027".
Comme expliqué plus haut, il suffit d'aller sur la source de la source de 20minutes (qui est une instance astronomique, et pas un journal) pour voir que cette phrase ne concerne que les astéroïdes "de cette taille" :
"This is the closest approach by a known object this large until 1999 AN10 approaches within 1 lunar distance in August 2027. The last approach closer than this by an object with H < 20 was by 2004 XP14 in July 2006 at
1.1 lunar distances."

Le "with H<20" signifie aussi grosso modo "de cette taille". Pas évident pour un journaliste, même scientifique, je l'accorde.
Sans aller chercher très loin, le 13 Octobre dernier, l'astéroïde 2015 TC25 est passé 42 fois plus près de nous que 2015 TB145. Mais il était beaucoup plus petit. Et dans l'indifférence générale.

"La NASA ne s'est pas risquée à donner sa trajectoire précise".
A mettre en écho à une phrase précédente : "Les passionnés munis d'un télescope pourront tout de même l'observer". Ah bon ? Mais alors ces passionnés auraient donc accès à la trajectoire que la NASA n'ose pas donner ?
Bah oui !
Ce genre de phrase ne sert à rien, et jette une espèce de doute quant aux intentions de la NASA.
La NASA n'est pas responsable du calcul des trajectoires des corps mineurs du système solaire. Mais le Minor Planet Center lui, oui. C'est son job ! Donc il l'a fait.
Et il n'y a aucun risque à aller chercher cette trajectoire, elle est publique !!!
Allez, c'est cadeau, voici ses coordonnées pour le jour de l'approche maximale depuis les Canaries (de là où j'observe, mais on peut le faire pour n'importe où sur Terre). Et si la NASA devait donner ce genre d'info, elle ferait comme tout le monde, elle irait ici :  http://www.minorplanetcenter.org/iau/MPEph/MPEph.html



Un grand merci cependant à 20minutes pour avoir mis en illustration une belle image de notre chère Terre, et pas une classique image d'impact d'astéroïde qui aurait été inopportune... puisqu'il n'y aura pas d'impact.


Quelques liens utiles :


http://www2.jpl.nasa.gov/calendar/
Un calendrier astro de la NASA (mais ce n'est pas elle qui fait les calculs et les prévisions) qui liste les astéroïdes qui passent tout près de nous.
Ouvrir la page et rechercher "Near-Earth Flyby". En faisant ça aujourd'hui (20/10/2015), on trouve 200 résultats d'astéroïdes qui passent "pas loin de nous".
Si on fait une recherche sur la page de la chaîne de caractères "0.000", on va tomber sur ceux qui passent vraiment très près (moins de la moitié de la distance Terre-Lune). On en trouve 2 pour la période Septembre/Octobre 2015.
D'autres viendront assurément remplir le calendrier des mois suivants à mesure qu'ils seront découverts.

http://www.spaceweather.com/
Ce site présente plein de choses, mais il y a une rubrique "Recent & Upcoming Earth-asteroid encounters" qui dresse un tableau des passages rapprochés d'astéroïdes, et qui met une couleur qui va du blanc au rouge en fonction de critères liés à la distance d'approche et à la taille de l'astéroïde.

http://www.minorplanetcenter.net/iau/lists/CloseApp.html
La liste des passages rapprochés d'astéroïdes pour les 33 prochaines années, tirée de la base de données du Minor Planet Center. La liste s'enrichira au fil des ans de tous les petits cailloux qu'on ne peut voir que quand ils passent extrêmement près de nous. C'est pour ça qu'on en trouve plus en 2015 (on vient de les observer pour la première fois) que les autres années.

24 août 2015

Exoplanète WASP-80b

Ca faisait déjà quelques années que je voulais mesurer un transit exoplanétaire avec le télescope de Geotopia, mais j'avais besoin de cumuler un bon ciel, quelques heures de dispo à l'observatoire, aucun souci technique et un transit pas trop compliqué à la bonne heure.

L'Exoplanet Transit Database donne toutes les informations sur les transits disponibles à toute heure et en tout point sur Terre et je surveillais depuis quelques semaines déjà l'opportunité d'y aller.
Même si l'observatoire permet en théorie d'aller chercher des transits de quelques milli-magnitudes, je voulais faire le premier test sur un transit profond.

Mes précédents transits avaient été réalisés au 150/750 + APN Canon EOS 1000D et ne pouvaient, de toutes façons rien faire d'autre que des transits profonds.

J'ai jeté mon dévolu sur une exoplanète récemment découverte (2013) : WASP-80b.
C'est une planète de la taille de Jupiter, pour une masse 2 fois moindre.
Mise à côté des planètes de notre système solaire, ça donne ceci :

MercureMarsVenusTerreNeptune Uranus SaturneJupiterWASP-80 b
Adaptation de la source : http://www.openexoplanetcatalogue.com/planet/WASP-80%20b/

Elle tourne autour de son étoile en un peu plus de 3 jours, ce qui la classe dans la catégorie des Jupiter dîtes "chaudes". Elle est très proche de son étoile.
Sa température de surface, de près de 600 K, est bien différente de celle de notre Jupiter (110 K).

5 personnes s'étaient déjà amusées à mesurer son transit et vu leur config, ça devait passer les doigts dans le nez !

Pour me motiver encore un peu plus à y aller, j'avais même annoncé sur Twitter que je ferai un live-tweet de ma nuit à l'observatoire sous le hashtag #MaNuitALObservatoire.
J'en ai profité pour réaliser mon premier Storify. L'histoire de la soirée est donc disponible ici.
Finalement c'est un peu long de live-tweeter quand on n'est pas que spectateur, il ne faudrait pas oublier qu'il y a des manips à faire pendant la soirée pour que le transit puisse être observé :-)


Finalement, le plus important dans tout ça, c'est quand même le résultat. Lors du live-tweet, les courbes que je publiais n'étaient que des mesures faites rapidement sur les images brutes, non pré-traitées. Elles étaient donc scientifiquement fausses, mais donnaient une idée de ce que serait le résultat final.

L'Exoplanet Transit Database permet, lors du transfert des données, de faire un fit (ajustement à une courbe) de mes données. Ca permet de constater que le profil de transit est bien présent.
Mon incertitude de mesure, mesurée sur une étoile dîte "de test", était de 0.007 magnitude. Pour une profondeur de transit théorique de 0.031 magnitude, c'était tout à fait adapté. J'ai manqué de temps pour essayer de faire mieux.


Sur toute la période de mesure, je m'éloigne en moyenne de 0.0047 magnitude de la courbe théorique de ce transit. Mes données sont finalement assez peu dispersées. C'est ce qu'indique le graphe ci-dessous :


Au passage, le trou observé dans la courbe correspond au moment de la panne indiquée dans le Storify. Pendant une vingtaine de minutes, je n'ai pas pu prendre de mesures. Heureusement, ce trou n'empêche pas d'apprécier la forme globale de la courbe.

La courbe ci-dessous donne l'O-C en fonction du temps. Kézako ?
L'O-C (Observé moins Calculé) permet de montrer dans quelle proportion une mesure (O) s'éloigne de la théorie (C). L'évolution de cette valeur au cours du temps peut traduire la présence d'une autre planète, agissant gravitationnellement sur celle-ci. Ma mesure est en bleu, celles des autres astronomes amateurs en rouge. On ne peut pas tirer grand chose de ce graphe pour l'instant.


La courbe ci-dessous donne la variation de la durée du transit au cours du temps. Idem, si cette valeur varie au fil des années, ça peut traduire la présence de "quelque chose" qui perturbe la planète. Ici je suis proche de la valeur théorique. Pas grand chose à en tirer pour l'instant.


Là où ça devient intéressant, et où la collaboration des amateurs prend tout son sens, c'est quand les observations s'éloignent de la théorie comme c'est le cas avec le graphe qui donne la profondeur du transit en fonction du temps. La théorie prévoit 0.031 magnitude. Manifestement depuis un an, nous observons environ 0.043 magnitude, soit 40% de plus !


Dans l'étude annonçant la découverte de WASP-80b, les astronomes avaient mesuré une profondeur de transit de 0.029 (plus ou moins 0.010) magnitude. On est clairement en dehors des clous depuis 1 an. Que s'est-il passé pour que ce transit ait gagné 40% de profondeur ? Voilà un "mystère" à éclaircir. Et pas de miracle, il va falloir étoffer la base d'observations pour tenter d'y comprendre quelque chose.




17 août 2015

Nuit des étoiles 2015

Le Samedi 08 Août, la maison de la Nature Geotopia et le club d'astronomie de Mont-Bernenchon organisaient la Nuit des Etoiles, rendez-vous annuel du public avec le ciel depuis 1991 (depuis 2001 à Mont-Bernenchon).
La météo devait être splendide pour toute la journée le long des cotes de la Manche. Le résultat final fut plus mitigé. Mais les inscriptions enregistrées par Geotopia pour cette journée nous donnaient l'occasion de se réjouir.

L'ouverture au public s'est faite à 14h et nous avons proposé au public une séance d'observation du Soleil. Nous avons installé plusieurs télescopes avec filtres solaires (lumière blanche et Hydrogène-Alpha) à proximité de l'observatoire.



La tonnelle installée par Geotopia était bien agréable car l'air de rien, il faisait chaud !

Les télescopes se mettent en place. (Crédit image : Pierre Derycke)

Le public ne s'est pas fait attendre. Par petits groupes, les gens arrivaient pour mettre l'oeil à l'oculaire.

Crédit image : Eric Brotons
Crédit image : Pierre Derycke

Par chance ce jour-là, le Soleil affichait un magnifique groupe de taches solaires. L'occasion de rappeler que cette chose noirâtre qu'ils voyaient au centre du globe solaire était grande comme plusieurs fois la Terre... WOH !

Le Soleil du 08 Août 2015, par Eric Brotons
En supplément de l'observation solaire, nous proposions une exposition photo avec quelques uns de nos meilleurs clichés du ciel. Pour celles et ceux qui étaient munis d'un smartphone, il était possible d'obtenir des informations sur les images en scannant les QR-codes associés.

Depuis un an, la qualité et la quantité de nos images ont bien augmenté. L'occasion était belle de montrer que même avec le ciel pollué du Nord-Pas de Calais, on peut faire de belles images.
Même l'observatoire de Geotopia, parfaitement fonctionnel cette année, nous permet de sortir de beaux clichés.

Nébuleuse planétaire M27, par Sébastien Gozé, au T317 de Geotopia

Il était également possible de visiter l'observatoire de Geotopia, et d'admirer le Soleil à travers un filtre spécial.

Observation du Soleil au T317 de Geotopia. Crédit image : Eric Brotons


Geotopia proposait enfin une séance de lancer de fusées à eau pour les enfants. L'activité a attiré des enfants de 14h30 à 18h30, il y avait toujours la queue pour tenter d'envoyer les fusées le plus haut possible.


Pause de 18h30 à 20h00 avec un bon repas bien mérité pour le club, avant d'attaquer la soirée où l'on attendait plus de 120 personnes. En général, quand on a X inscrits, on peut s'attendre au double avec ceux qui viennent sans avoir prévenu à l'avance. Mais comme on le sait maintenant, on s'arrange. On ne va quand même pas refuser du public :-)

C'est donc reparti pour une séance de montage de télescopes, mais cette fois-ci à l'extérieur de l'enceinte de Geotopia pour l'observation des étoiles. Le ciel était bouché au dessus de nos têtes et vers le Sud. Dégagé sur quelques dizaines de degrés au Nord.

On s'installe, sous les nuages. Crédit image : Sylvain Wallart

A partir de 21h, les enfants pouvaient participer à un atelier de construction d'une carte du ciel avec Geotopia. L'atelier a eu du succès.

Les enfants apprennent à créer leur carte du ciel avec Geotopia. Crédit image ; Sylvain Wallart

Et pendant que les enfants étaient sages, les parents pouvaient assister à la conférence que je donnais à partir de 21h. Le thème était "A la découverte de Pluton".
La salle était bien pleine et la conférence complète est disponible ci-dessous (durée : 38'44).


Quand la conférence s'est terminée, il était temps d'aller observer les étoiles. Hélas, le ciel n'était vraiment pas très sympathique. De nombreux nuages passaient dans le ciel et il était compliqué d'observer, ne serait-ce que le triangle d'été.
Nous avons quand même essayé de montrer 2-3 choses comme Saturne pendant quelques minutes.
A défaut d'objets célestes, nous pouvions montrer nos images, nos équipements, nos techniques d'observation ou d'imagerie. Le public était très intéressé.

Début de la séance d'observation publique. Sans étoiles, mais avec du matériel à montrer. Crédit image : Sylvain Wallart

Devant l'observatoire de Geotopia, le public s'est amassé jusque minuit pour bénéficier d'une visite du bâtiment et du télescope. Par petits groupes de 10 personnes l'attente pouvait être longue, alors j'en ai profité pour expliquer à ceux qui attendaient comment se servir de leur carte du ciel.

En attendant l'observatoire de Geotopia. Crédit image : Sylvain Wallart

La soirée s'est terminée tranquillement, avec les dernières personnes partant peu après minuit. C'est plus tôt que d'habitude, mais le ciel ne montrait vraiment rien d'intéressant.
Au final, ce sont 326 personnes qui ont été recensées ce jour-là à Geotopia pour notre Nuit des Etoiles 2015.
Un beau succès qui a fait plaisir à tout le monde, et donné à certains des envies d'y revenir.
Comme tous les ans après la Nuit des Etoiles, des personnes viennent au club pour s'inscrire et approfondir leur pratique de l'astronomie.

Pour terminer, voici une vidéo réalisée par Eric Brotons résumant cette journée (crédit images et vidéo : Eric Brotons, Pierre Derycke, Sylvain Wallart et Sébastien Gozé)






A L'ANNEE PROCHAINE POUR LA NUIT DES ETOILES 2016 !!

15 juillet 2015

Galaxie M33


Juste pour le fun, à force d'amasser des images de la galaxie du Triangle, je peux en sortir une version LRGB qui tient la route. Le T2 de Slooh permet d'atteindre tranquillement la magnitude 19 sur les luminances, et ça permet de bien mettre en évidence les supergéantes dans les bras spiraux de la galaxie.


La full pour zoomer est disponible ICI.

Quelques éléments typiques des galaxies spirales sont visibles sur l'image de cette galaxie. Sa proximité (~3 millions d'années-lumière) fait qu'on peut en distinguer pas mal de détails.


Bien que très étendue dans le ciel (2 fois le diamètre de la plein lune), cette galaxie se révèle assez ardue à observer. Le ciel doit vraiment être bien noir, exempt de pollution lumineuse et un instrument modeste mais bien ouvert est nécessaire. Grossir fort ne sert à rien sur cette galaxie.

Voici une carte pour la repérer dans le ciel d'automne, entre la constellation d'Andromède (et sa grande galaxie) et la constellation du Triangle. En ce moment, en été, c'est au petit matin qu'il faut la chercher.

Crédit : Andrew Welsh (lien)


14 juillet 2015

Et à la fin vint la publication

Depuis ce matin on peut trouver sur arXiv.org le contenu d'une publication pour laquelle j'ai eu la chance d'être co-auteur.
Pour un amateur passionné de Science, c'est une aventure incroyable que de pouvoir La vivre aux côtés des pros, de partager leur quotidien de chercheurs et leurs réussites finales.

Il n'est pas fréquent que les amateurs soient auteurs, au sens "c'est eux qui ont écrit le papier". Par contre, le co-autorat permet aux auteurs d'associer ceux qui ont permis, par une petite ou une grande action, la réalisation d'une étude. Et puisque des amateurs aident les professionnels dans leurs travaux de recherche, on les retrouve régulièrement parmi la liste des co-auteurs d'une étude.
C'est particulièrement visible en astronomie, beaucoup moins en physique des particules par exemple où les amateurs ne peuvent pas reproduire des collisions protons-protons dans leur cabane au fond du jardin.

La publication est déjà totalement écrite lorsque son brouillon nous est transmis. Oui, on peut le lire avant tout le monde. On peut alors, même en tant qu'amateur, faire des remarques sur le brouillon, faire changer des choses de ci de là.
Qu'un amateur puisse faire des remarques sur la production d'un professionnel peut paraître incongru. Quelques années d'études et quelques diplômes nous séparent. Pour autant ça se passe très bien du moment que les remarques sont constructives.
La première fois, on se dit "Oulà, mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir commenter ?"
Mais plus on lit de publications différentes sur un même thème, plus on se fait une idée de ce à quoi ça doit ressembler. Comme le veut l'adage, "C'est en forgeant qu'on devient forgeron" :-)

Pas besoin d'être une bête en astrophysique pour commenter un brouillon sur les supernovae.
Voici quelques astuces pour les quiches en sciences qui se retrouveraient à devoir relire une publication :
  • Les liens http mis en exemple ou en bas de page pointent-ils correctement vers une page Internet ? 
  • Quand un paragraphe fait référence à un tableau ou une figure, est-ce la bonne référence ?
  • Y a t-il des fautes d'orthographe ? (il en reste toujours un peu)
  • Les légendes des graphiques correspondent-elles à ce qui est représenté ?
  • Les chiffres ont-ils des unités ?
  • Les résultats avec lesquels on se compare sont-ils accompagnés d'une référence vers une autre publication ?
Les auteurs sont humains, ils font aussi des "fautes" d'inattention.

Ensuite, en fonction du niveau que l'on a, on peut se risquer à des remarques sur le fond. Ce n'est pas interdit. Si l'auteur répond qu'on se trompe, on gagne un mini-cours d'astrophysique en retour :-)
L'amateur est gagnant dans tous les cas.

- Mais de quoi ça cause, au juste, ce papier ?
- Ça parle de supernova. Ben ça alors ! :-)

Et pas n'importe quelle supernova : le supernova la plus lumineuse jamais observée. Rien que çà !
Mais la bougresse ayant explosé extrêmement loin de chez nous (3.2 milliards d'années-lumière), elle a beau être la plus lumineuse de toutes, il fallait quand même un télescope pour l'observer. Vous trouverez par exemple ici une image de Joseph Brimacombe qui montre cette supernova, elle ne paye pas de mine.

L'annonce de sa découverte a été faite dans l'ATEL n°7642 le 16 Juin, mais des traces de sa présence ont été retrouvées jusqu'au 18 Mai, à la limite de détection des télescopes d'ASASSN. Elle se trouve dans une galaxie au nom totalement improbable : APMUKS(BJ) B215839.70-615403.9
Je pensais avoir parcouru l'ensemble des catalogues existants (et ils sont nombreux), celui-ci était une totale découverte pour moi.

Sa distance disais-je, de 3.2 milliards d'années-lumière, nous indique quand elle a explosé : il y a 3.2 milliards d'années-lumière. Pendant tout ce temps, sa lumière a simplement voyagé dans l'espace pour arriver jusqu'à nous.
Si tout le monde se souvient à peu près que les ères géologiques sur Terre s'appellent "Primaire", "Secondaire", "Tertiaire" et "Quaternaire", qui se souvient qu'il y avait quelque chose avant "Primaire" ? C'était le précambrien. Demandez-donc à vos grand-parents ;-)

A cette époque, rien de vivant sur Terre n'était visible à l'oeil nu. Il fallait attendre encore 1 bon milliard d'années pour que les premiers êtres vivants macroscopiques fassent leur apparition. (Lien)

La publication présente les circonstances de la découverte de cette supernova, son suivi photométrique et spectroscopique, et ce que les mesures nous apprennent de l'objet qui a explosé.

La nouvelle de cette découverte commence à faire un peu de bruit sur le web. Certains se sont essayés à publier des articles avant même que le papier ne soit rendu public, comme Sky & Telescope ou Nature qui précise cependant :
"The researchers would not discuss their preliminary findings withNature, because the results are being submitted to a peer-reviewed journal that wishes them not to comment"

Du coup, je ne pense pas pouvoir dire aujourd'hui dans quel journal "peer-reviewed" ce papier sera publié. Mais la version arXiv aura au moins le mérite d'être disponible pour tous ceux qui veulent quand même en parler.

Ah au fait, elle est ici la publication :-)

Une autre sur les supernovae doit suivre dans quelques jours aussi.
EDIT du 16/07/2015 : Elle est ICI.

9 juillet 2015

Pluton : J - 5

5 jours ! C'est le temps qui nous sépare maintenant du survol de Pluton par la sonde New Horizons.
La nuit dernière, je suis allé rendre une petite visite à cette petite boule glacée. Ce n'est qu'un point dans un télescope de 430mm de diamètre, mais les scientifiques n'y ont rien vu d'autre jusqu'à présent.
L'animation ci-dessous se déroule sur 2h30, avec un point au centre qui fait des va-et-vient : c'est Pluton. Il faut fixer une zone de l'image près du centre, et on voit distinctement apparaître un point qui bouge.
La Lune n'était pas dans le secteur cette nuit, je l'ai juste rajoutée pour donner une idée de l'échelle de cette image. Si elle avait été à cette place, je n'aurais vu aucune étoile autour d'elle, tellement sa lumière surpasse celle des étoiles environnantes.


L'animation en pleine résolution peut être visionnée ici : http://gifmaker.me/files/download/home/20150708/17/CntUVRIQ2S0ZQBzUIL2Gtk/output_gP6DXt.gif


L'occultation d'une étoile par Pluton la semaine dernière a confirmé que son atmosphère était toujours présente.
Avec en prime le pic de mi-occultation qui est généré par la réfraction de la lumière en arrière plan dans l'atmosphère de Pluton. Comme une espèce d'aura autour du disque de la planète pile au moment de l'alignement Etoile-Pluton-Terre



Les dernières images de la caméra LORRI de New Horizons donnent l'eau à la bouche, et les astronomes amateurs du monde entier s'en donnent à coeur-joie en traitant eux-mêmes les images brutes que la sonde envoie vers la Terre.

85 ans de mystères vont s'effacer dans quelques jours, et nous recevrons les images de ce survol pendant encore plusieurs mois.
Clyde Tombaugh a attendu ce moment sans jamais savoir à quoi ressemblait sa découverte, ni rien savoir des querelles qui agiteraient quelques années plus tard la question du statut de Pluton. Aujourd'hui une partie de ses cendres est à bord de New Horizons et survolera Pluton à plus de 50 000 km/h. Il sera aux premières loges.

Clyde Tombaugh (1906-1997) : découvreur de Pluton

15 juin 2015

Observation publique à Noeux-les-Mines


Ce week-end, le club d'Astronomie de Mont-Bernenchon avait rendez-vous à Noeux-les-Mines pour organiser une observation publique dans le cadre de l'exposition "Le nez dans les étoiles".
Notre prestation commençait par une courte conférence à la salle Georges Brassens, suivie par une séance d'observation au télescope près du stade.

Les orages nous ayant privés d'observation le Vendredi soir, nous étions en poste le Samedi 13 Juin.
Ce n'est pas la saison idéale pour observer les étoiles. Certes en général il fait beau, mais il ne fait pas complètement noir sous nos latitudes et les objets du ciel profond ne sont pas très contrastés.

A 23h, quand le public arrive, certaines montures ne sont pas encore mises en station, faute d'étoiles pour faire l'alignement automatique.

Les télescopes en place. Crédit image : Sylvain Wallart (http://www.sylvain-wallart-photography.com/)
A défaut de Lune à montrer au public, nous avions 3 planètes : Vénus, Jupiter et Saturne. Ce qui est de matière à ravir tout le monde, tant ces planètes sont différentes et intéressantes.
Vénus présentait un quartier. Jupiter avait un satellite caché. Saturne était majestueuse avec ses anneaux. Le public a visiblement apprécié la balade nocturne.

J'avais repéré un flash iridium bien placé pour le début de nuit. Au dessus de Vénus et Jupiter, on ne pouvait pas le manquer. Ça marche toujours autant d'annoncer "Attention ici dans quelques secondes apparaîtra un objet qui deviendra rapidement le plus brillant du ciel".

Passage d'un flash iridium. Crédit image : Sylvain Wallart (http://www.sylvain-wallart-photography.com/)
L'ISS aussi nous a rendu une longue visite, d'Ouest en Est.
Ensuite quand les étoiles sont devenues un peu plus visibles, nous avons proposé l'observation de quelques objets du ciel profond : l'amas globulaire M13, la nébuleuse planétaire M57, l'étoile double Albiréo. Que des grands classiques de l'été.

Balade dans le ciel au laser. Crédit image : Sylvain Wallart (http://www.sylvain-wallart-photography.com/)
La soirée s'est terminée vers 1h00 du matin avec le public qui semble être reparti très heureux de sa soirée. Et les animateurs l'étaient tout autant.
Au moins nous avons eu une répétition à 2 mois de la Nuit des Etoiles.